L'argument que les militaires et les policiers ne devraient pas participer au processus électoral est fondé sur un faux concept - selon lequel l'acte d'inscrire et de voter est politique et partisan.
C'est bien admis que les forces armées et le service de police doivent être politiquement neutres et qu'ils devraient servir fidèlement tous les gouvernements élus légitimement. Il s'ensuit qu'aucun membre de les deux organisations ne peut être un adhérent d'un parti politique et encore moins un militant. Pourtant, le fait d'être inscrit au registre d'électeurs et de voter sont des obligations civiques et pas des actes politiques. C'est reconnu comme tel dans beaucoup de pays où l'inscription est obligatoire. Dans certains pays c'est même obligatoire de voter.
Dans la plupart des pays, comme dans la RD Congo, le droit de vote est un droit constitutionnel dès que l'age de dix-huit ans et les seules dérogations se rapportent à ceux qui ont vu leurs droits suspendus par des autorités compétentes à cause d'une incapacité mentale ou une condamnation criminelle. Il n'y a aucune exclusion per se pour les militaires ou pour les policiers. Une difficile récusation constitutionnelle peut résulter d'un procès devant les cours mise en œuvre pour un militaire ou un policier exclu.
Le concept du suffrage universel, et de la démocratie représentative, est fondé sur le principe que chaque citoyen peut exprimer son opinion aux urnes en votant pour le candidat ou le parti politique qu'il a choisi pour sa représentation. Exclure les militaires et les policiers de voter pour exprimer leurs opinions, ce n'est que refuser leur expression. Exprimer une opinion aux urnes n'est pas un acte plus politique que l'avoir l'opinion.
L'idée selon laquelle les militaires et les policiers ne pourraient pas remplir leur devoir civique comme membres des forces de sécurité s'ils votent, dénigre leur professionnalisme et donne l'impression qu'ils ne sont pas des citoyens complets. Intégrer les militaires et policiers dans la société dans la mesure du possible est un but beaucoup plus sain que leur marginalisation, qui pourrait les pousser entre les mains des groupes politiques qui voudraient posséder des milices.
L'expérience dans d'autres pays ne suggère pas que l'admission au suffrage des militaires et des policiers apporte des problèmes. J'étais le coordinateur de l'équipe internationale aux élections russes en 1996 et il y avait des bureaux de scrutin situés à la caserne - et sur les grands navires. Tous les partis politiques étaient invités à visiter les casernes pour faire des discours aux soldats, et quelques uns ont profité de l'occasion, de temps en temps accompagnés par des observateurs qui ont signalé de bonnes réunions attentives. Le suivi des résultats du scrutin à ces bureaux a suggéré que les préférences électorales des militaires ont été comparables à celles des électeurs "moyens", et qu'il n'y avait pas des épreuves qui ont démontré que les officiers ont fait pression sur les soldats.
Peut-être l'argument le plus solide pour l'admission au suffrage des membres des forces armées est la réflexion sur leur autre possibilité d'expression si on leur refuse l'accès aux urnes. Le slogan en anglais est "the ballot not the bullet" ("le bulletin, pas la balle"), et on pense que c'est important de s'assurer que les militaires et les policiers possèdent leur opportunité constitutionnelle d'exprimer leurs opinions sur leur gouvernement plutôt que de fournir un prétexte pour des expressions violentes. Deux exemples sont à titre illustratif: le Congrès national africain de l'Afrique du Sud a choisi la lutte armée parce que le système de l'apartheid a refusé l'admission au franchise à ces citoyens noirs. Egalement, en Irlande du Nord, la possibilité de la paix n'est que finalement arrivée lorsque le Sinn Féin, l'aile politique de l'IRA, a pu se présenter aux élections, fournissant ainsi aux membres paramilitaires de l'IRA l'occasion de voter.
16 December 2004